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« Au cas où l’on vienne à manquer »

16/06/2015 Bonjour à toutes et à tous,

L’appartement est aussi vide qu’il y a 9 mois.

J’ai même fait les vitres qui n’avaient pas du être nettoyées durant tout ce temps.

Il a bien fallu que je fasse un tri à travers des dizaines de photos.

Anonymement rangées dans leurs pochettes, sans date ni légende.

J’ai opté pour les plus jolies finalement.

Peut-être ne saurais-tu même plus les identifier.

J’ai gardé des montagnes, des lacs, des ciels, des arbres, de la neige, des glaciers.

Tous ces témoins de tes nombreuses marches à travers notamment les sommets des Alpes.

Et puis, j’en ferai un joli album que tu ne feuilletteras peut-être jamais, tout au plus, lanceras-tu un bof laconique…

Tous les livres sont partis aussi, y compris ceux de la grande malle que tu destinais à tes petits enfants.

La fois où tu leurs en avais fait part, ils avaient plutôt affiché une moue qu’un sourire de joie…

Une bibliothèque entière aussi est partie, comme tout le reste.

Le déménageur a lorgné sur la bouteille de Ricard à peine entamée, qui trônait sur le buffet.

« – Vous avez pris le temps de boire le pastis ?
– Oui, oui, bien sûr, vous inquiétez pas ! »

Ben non, je ne m’inquiétais pas.

Ça lui a sans doute permis de faire une pose avant de jeter les lentilles, les pâtes, le taboulé.

Et le riz qui garnissaient toujours les étagères du buffet.

Il a du aussi batailler avec les assiettes ébréchées, les couteaux éplucheurs en x exemplaires.

Sans parler des boîtes aux couvercles dépareillés…

A moins que ce soit parti tout directement à la poubelle aussi…

De même que les courriers, les factures d’il y a 20, 30 voire 50 ans.

Les notes, dossiers, dépliants, cartes routières et cartes de voeux ont du suivre un chemin identique.

Drôle de pathologie qui semble coller à cette génération, de cumuler, stocker, et le tout en vrac, de préférence.

C’est sans doute à cause de cela que je ne conserve presque rien, ou très peu.

J’ai pas envie de léguer ce cadeau empoisonné aux générations futures…

Aux enfants, j’ai dit que seules mes oeuvres graphiques et les albums méthodiquement archivés ont de l’importance.

Ils conservent la majeur partie des courriers échangés avec mes parents et retrouvés chez ceux-ci.

Du temps où nous étions éloignés et que le téléphone n’était pas illimité…

Le reste, c’est à dire pas grand chose, peut passer au feu !

Oui, je suis d’une génération qui jette, comme me l’a d’ailleurs souvent reproché ma mère.

De l’avoir trop vu tout garder sans doute.

Au cas où.

Où l’on vienne à manquer ?

Que lâcher soit source d’angoisse ?

Et que perdre devienne un poids ?

« Noël 2014 – Joyeux Noël papa, de la part de nous tous – Isabelle & Co »

Il est en grand format, avec de belles photos en Noir et Blanc.

Je l’ai extirpé de la table de télé, et passé la paume de la main sur la couverture, pour en dégager la poussière.

Il est resté là, à plat sur le lit quand j’ai refermé la porte à clef.

Bien à vous,

Isabelle