« Les mains dans les casseroles »

29/08/2016 Bonjour à toutes et à tous,

Les mains dans les casseroles - Crédit photo izart.fr

Les mains dans les casseroles – Crédit photo izart.fr

Cet été, je partage avec vous deux textes que j’ai présentés à des concours de nouvelles.
Le premier, écrit en 2015, a concouru en Avril 2016.
Il est ici publié en deux parties dont voici la première, bonne lecture !

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La notoriété que j’ai acquise bien plus tard, n’est pas arrivée toute seule, loin s’en faut.

J’ai appris, les mains dans les casseroles, que le travail d’écriture est un mets lentement mijoté et le fruit d’une longue macération.

Du temps où je passais des heures en cuisine pour préparer ce que j’appelais joyeusement mes disco-soupes ; à l’exemple des ateliers de pluche sur les places publiques pour accommoder des légumes voués au rebut, mes pensées allaient bon train.

Et tandis que mes mains s’occupaient à détailler les bouquets de brocolis, émincer les oignons, tronçonner les courgettes, je surveillais aussi d’un œil les artichauts qui cuisaient lentement à la vapeur, pour le repas du lendemain.

Ma cuisine, c’était et c’est toujours mon fief.

L’activité manuelle, fût-elle justement à l’office, nourrit l’activité intellectuelle, et j’en ai pour preuve que ça bout dans les marmites comme dans ma tête, tout un chemin !

J’enlève les trognons, les talures, les peaux, les écorces, les pépins, et soudain ma pensée s’éclaircit, les idées se décantent, les tournures s’aiguisent, les mots se lient, les phrases s’épaississent.

Dans ce bar-à-soupe donc, tout ce qui aurait du finir à la poubelle se transforme en or dans l’assiette, une certaine philosophie y côtoie l’art, en quelque sorte.

Mais ôtez-moi ce lieu, me voilà aussi frustrée que celle à qui l’on arrache son livre !

Certes, les rayons des super-hyper-marchés regorgent pourtant de denrées prémâchées, préemballées, pré-cuisinées, prédigérées – au choix ou le tout à la fois – désolée, je ne sais pas ingurgiter ce genre de… chose.

Tout comme je ne sais pas lire sans tourner de pages.

Carottes, oranges, grenades, pêches, poivrons, navets, panais, tous, il me faut les humer, les peser dans ma paume, les désirer du regard.

Les feuilles d’un livre, elles glissent entre mes doigts, frôlent ma peau, se tournent lentement pour dévoiler un secret, dégagent leur odeur de papier neuf ou jauni.

Bien à vous,

Isabelle