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« Les rues qui parlent »

25/09/2016 Bonjour à toutes et à tous,

Les rues qui parlent savent mieux que quiconque.

Ce qu’il s’est passé cette nuit-là.

Les gens du quartier ont entendu une suite de grands craquements qu’ils ont liés à l’orage faisant rage.

Mais les rues qui parlent, elles, savent la vérité.

Elles racontent que le chauffeur du camion a violemment heurté le gros arbre aux fleurs jaunes.

Sans doute gêné dans sa visibilité par une pluie cinglante…

Celui-là même qui bordait la rue depuis des décennies.

Et fournissait ombrage aux riverains et asile à la population animale du quartier.

Et s’est ensuite enfui, sans doute pour aller faire réparer les dégâts du véhicule en catastrophe.

Avant que le patron ne s’en aperçoive…

Au petit matin, les rues qui parlent du quartier Tamoul de Pondicherry ont abrité du monde sous les thalvaram.

Les voisins et habitants de passage commentaient la scène impressionnante.

Faut dire que le gros arbre avait chuté sur des habitations.

Recouvrant parfois tout l’étage de l’une d’elles à l’empreinte coloniale avec ses colonnes maçonnées.

Et l’école n’avait pu accueillir ses élèves !

Le portail donnant accès au thinnai était complètement obstrué…

Voilà pourquoi on les appelle les rues qui parlent dans le quartier tamoul, ces voies.

Elles abritent tout un tas de petites maisons accolées les unes aux autres.

Et il fait bon s’y asseoir pour palabrer en buvant le café, par exemple, une tradition du Tamil Nadu.

Ou de se poser à l’ombre, après une course en pleine chaleur avant de reprendre sa marche.

Et même de s’y abriter en cas d’urgence, quand, comme en ce moment, il pleut toutes les fins de journée.

Il est donc très agréable de flâner dans le quartier tamoul de Pondy, là où se succèdent les petites habitations colorées.

Car même par forte chaleur, vous êtes au frais sous de grands arbres en fleurs.

Dans la tradition, la maison est bâtie avec un torchis de terre et d’eau formant un empilement de boulettes de boue.

Puis elles sont couvertes d’une toiture de feuilles de palmier tressées.

Celles ont ensuite été remplacées par des tuiles, et les habitats construits avec la brique rouge cuite au soleil, si caractéristique.

Les murs, enduits à la chaux, colorée ou non, présentent de plus un très bon répulsif naturel contre les insectes.

Pour l’heure, dans la rue, les hommes s’affairent à débiter le gros arbre mort.

Tandis que des femmes aux blouses roses caractéristiques chargent branches et feuillages dans les véhicules de la ville.

Oui, la rue est maintenant dégagée de l’intrus qui obligeait défilés de chars et gros véhicules à de savantes manœuvres.

Car pour circuler et croiser les véhicules venant à sens inverse, c’était de l’art !

Fut un temps où les anciens du village se réunissaient.

Et déterminaient ensemble si un habitant pouvait ou non couper un arbre en dehors de sa propriété.

Autre temps, autres moeurs, ici aussi, le béton a gagné ses lettres de noblesses.

Promoteur d’un certain standing, il balaie le savoir des anciens ici dans l’urbanisme.

Les rues qui parlent 2 - Crédit photo izart.fr

Les rues qui parlent 2 – Crédit photo izart.fr

Ce qui restait du vieil arbre à fleurs jaunes, le Peltophorum pterocarpum ou Flamboyant de l’Inde, a été tronçonné jusqu’au bitume.

Et lui a ôté le matin-même définitivement toute possibilité de renaître…

Et tant pis pour tous les usages ménagers que l’arbre présentait.

Colorant naturel et tannage du cuir, fourrage pour les bêtes, il est bois de chauffage également…

Réputé en médecine traditionnelle pour sa capacité à resserrer les muqueuses, il est sert à guérir les troubles intestinaux.

Ainsi que pour soigner entorses et contusions.

Il entre aussi dans une préparation de lotion pour combattre les troubles oculaires.

Pour les douleurs et les plaies, on l’utilise enfin en gargarismes et en guise de poudre dentifrice.

Les rues qui parlent savent mieux que quiconque.

Bien à vous,

Isabelle