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« Ma petite maman »

31/01/2016 Bonjour à toutes et à tous,

Ma petite maman, je vais prier pour toi.

Bien que je ne sois pas croyante et que je ne sache pas prier.

Mais toi tu étais croyante et tu savais prier.

Maintenant, tu ne sais plus.

Ni même prier, ni même croire, et en qui d’ailleurs ?

Tu as oublié jusqu’à te servir d’une fourchette pour manger tes spaghettis.

Tu as oublié qu’on ne rotait pas à table.

Tu as oublié qu’on s’essuyait les doigts sur une serviette.

Tu ne reconnais même plus les tulipes que je t’apporte ce jour.

Tu as oublié aussi qu’il ne fallait pas se pencher en avant du haut de ton fauteuil roulant.

Au point de tomber de sommeil la face dans l’assiette, en attendant qu’on te ramène dans ta chambre.

Ou pire, la face contre terre, ce qui te vaut cet énorme hématome qui te barre le front et l’oeil gauche.

Ma petite maman, ce soir et tous les suivants, je vais prier celui en qui tu croies, pour que tu le rejoignes au plus vite.

Parce que lorsque tu me regardes de tes yeux bleus voilés, en levant péniblement la tête et que tu me cries J’EN AI MARRE ! j’ai envie de crier la même chose.

J’en ai marre de cette odeur de merde qui me prend à la gorge toutes les fois que je longe ce couloir aux portes closes.

J’en ai marre que tu grossisses à te gaver sans même savoir si ton corps en a assez.

J’en ai marre de te voir glisser un peu plus chaque fois.

Cette fois-ci, tu ne chantes plus, tu ne téléphones plus, tu ne réponds même plus aux appels…

A quoi bon continuer à souffrir comme cela, elle, moi ?

Elle me couvre les mains de baisers, appuie sa tête contre mon bras.

J’ai envie de lui rendre ce baiser, de lui caresser les cheveux bien trop gras et de m’enfuir aussitôt.

Délivrez-nous, elle et moi.

Délivrez-la des barbituriques, des antalgiques, des antispasmodiques.

Délivrez-moi du principe, du code, de l’obsession.

Qu’elle repose sa tête contre mon bras pour la dernière fois.

Et qu’elle repose en paix pour toujours.

Bien à vous,

Isabelle