« Un frère haineux en héritage »

04/05/2021 Bonjour à toutes et à tous,

J’ai reçu, à la naissance, un frère haineux en héritage, comme d’autres reçoivent un frère aîné.

Il manifesta cette tendance de très bonne heure, me mordant dans le dos alors que je n’étais encore qu’âgée de quelques mois, rapporta ma mère, un jour.

Nos parents le désiraient fille mais il était né garçon.

De cela, il n’assumera ni ne pardonnera alors jamais à son aventurière de cadette, la grande sensibilité qui le caractérisait.

Émotif, coléreux, introverti et arrogant à la fois, il est certain que le berceau familial n’allait pas rassurer ses angoisses existentielles.

Tout au plus les exacerber et les nourrir.

Dans les années 60, il était de bon ton de référencer tout ce qui devait accompagner une paire de couilles, et ce, dès la naissance.

Ainsi je me souviens que le fils aîné était vivement encouragé par notre mère à allumer des feux de partout, à la limite du comportement pyromane.

Mais il ne devint pas soldat du feu pour autant, archétype de la virilité fantasmée sans doute.

Tout au plus fit-il des études d’électricité, cela aurait pu augurer un bon début de thérapie.

Pas plus qu’engloutir des saucissons dans leur totalité ou du corned beef par boîtes entières ne modifieront l’essence de sa nature.

C’est un garçon, disait la mère, il a besoin de manger plus que vous.

Vous, c’était nous les filles, ma sœur et moi.

Pas plus que glaner les restes de rations alimentaires laissées par des militaires après leurs manœuvres ne feront pas de lui un soldat tout court.

Pareil pour les grenades à plâtre non dégoupillées, mais là c’était déjà plus risqué.

Bref, je m’en suis plutôt bien tirée, en pareille compagnie.

Et je suis heureuse d’avoir très tôt pris conscience que justement, ce n’est pas une paire de qui fait la valeur de l’homme.

Heureusement, de plus en plus d’hommes assument de ne pas répondre aux critères qu’on attend d’eux et se préfèrent semblables à eux-mêmes.

Cela érodera sans doute petit à petit une partie des arêtes du paysage tourmenté dans lequel sont censés évoluer femmes et hommes…

Bien à vous,

Isabelle