« Le dernier pot de confiture »

08/04/2013  Bonjour à toutes et à tous,

Le dernier pot de confiture - Crédit photo izart.fr

Le dernier pot de confiture – Crédit photo izart.fr

On a mangé ton dernier pot de confiture, et j’ai entre les mains le petit bout de papier collant sur lequel tu avais écrit Cornouilles.

Tu allais les ramasser dans le parc de la mairie.

Il n’y a que toi qui les ramassait, parce qu’il n’y a que toi qui les connaissait !

Des heures à ramasser ces baies rouge vif aux longs noyaux étroits.

Presque plus de noyau que de chair…

Après tu en faisais une belle marmelade pourpre, épaisse, que tu mélangeais au sucre pour en ôter l’âpreté.

Et c’était…divin au palais !

Maintenant tu ne fais plus rien.

Tu regardes passer le temps et les jours, et tu me dis c’est long au téléphone.

Ça fait bizarre de voir tes mains qui se sont arrêtées de cuisiner, de pétrir, de coudre, de tricoter, de jardiner, lire, écrire…

La maison s’est vendue, il n’y a plus d’enfants aux fenêtres qui prennent le soleil dans tes bras, éclairés d’un beau sourire.

Tout a été vidé, dispersé je ne sais où, et qu’importe et tant mieux aussi.

Les souvenirs sont partis avec le reste, des fois tu mélanges la résidence et ta maison, me donnant quelques consignes en passant.

Tu donnes aussi rendez-vous à des amies pour boire le café lors de ton prochain retour.

D’autres fois tu me demandes ce qu’elle est devenue cette maison.

Tu ne parles plus de tes fleurs, de ton trèfle rose que tu dédoublais pour les passants, du dahlia blanc du Mexique ou des haricots rouges grimpant sur la vigne, et tes volubilis qui s’ouvraient au matin !

Tu ne parles plus des petits oiseaux qui venaient se nourrir en hiver devant ta porte, ni de la tourterelle qui montait des brindilles pour fabriquer son nid.

Tu me dis dans un souffle tes enfants me manquent au téléphone.

Et puis, lorsque je veux te dire que tu es trop loin de nous maintenant, tu changes vite de conversation.

Tu me dis il y a du vent dehors, en regardant un sac en plastique se balancer aux branches d’un arbre, dans la rue.

Et puis, quand je te demande si tu as pris le soleil, tu me réponds que ça va bientôt venir.

Des confitures de la grand-mère qui s’épuisent, aux souvenirs du passé qui s’effacent, le temps emporte tout ou presque…

Ce soir je t’ai dit que nous allions te rendre visite avec les enfants.

Pour aller déjeuner tous ensemble au restaurant, comme d’habitude, puis prendre l’air de la vie.

Un bien curieux cortège très animé s’engouffrera alors dans les boutiques de chaussures ou les magasins de mode avec une grand-mère radieuse en tête, slalomant entre les rayons, bien calée dans le fauteuil.

Ça, ça te rend heureuse et tu t’en souviens bien !

Bien à vous,

Isabelle