« Bureau des objets perdus »

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02/12/2019 Bonjour à toutes et à tous,

C’est en voyant déambuler tous ces zombies que j’ai eu soudain comme un flash… Papa sors de ce corps !

Et tout d’un coup je me suis pensé qu’on se croirait au bureau des objets perdus.

Bel et bien perdus.

Ici, seul devant son assiette, l’un peste et cherche en vain à écraser la nuée de mouches qui se posent sur son journal.

Ailleurs, un autre, même regard perdu, chemisette à carreaux boutonnée jusqu’au col et épaisses chaussettes dans ses sandales, sirote un café.

Un troisième erre dans la rue, trimbalant des sacs plastique vides, ses lunettes très 70’s de guingois sur le bout du nez.

A l’épicerie tourne comme une histoire sans fin une grand-mère à talons compensés beiges, cheveux plaqués par un turban à pois…

Un certain nombre de personnes âgées croisées ici, à Auroville, me rappellent étrangement les propres errances cognitives de mon père.

Partageant ce constat avec des proches présents ce jour-là, ils me confirment avoir eu cet étrange et même ressenti.

N’aurait-il pas été heureux ici, mon père ?

Sa place n’aurait-elle pas pu être ici, finalement ?

Au milieu des autres déjanté·e·s – pardon papa – mais libre d’aller et venir sans contrainte et sans contrariété ?

La réflexion, je me la fais aussi en levant la main, comme tous les jours, pour saluer le vieux monsieur installé au carrefour.

Son fauteuil roulant posé sous les arbres, il regarde le mouvement des gens qui circulent autour, à pied, à vélo, en moto.

Et ma mère, finalement, elle n’aurait pas été bien là aussi, à regarder défiler la vie autour d’elle ?

Plutôt que de moisir immobilisée devant la télé des heures durant au milieu des odeurs de pisse de l’EHPAD ?

Drôle de pensées qui m’habitent soudain, me direz-vous, mais cela n’est-ce pas l’occasion de réfléchir et… préparer sa vieillesse ?

Plutôt que de foncer, tête baissée, refusant de voir ce que vieillir va engendrer dans la suite de notre vie ?

En tous cas, papa, maman, il me semble plus doux d’arriver à la fin de sa vie ici.

Et dans ces conditions, même perdu·e·s dans sa tête.

Je ne peux m’empêcher de penser qu’il aurait pu en être de même pour vous.

Mais comme on fait sa vie elle s’éteint…

Bien à vous,

Isabelle