« Hier j’étais rayonnante »

17/08/2021 Bonjour à toutes et à tous,

Hier j’étais rayonnante sur la photo, paraît-il.

Aujourd’hui je pleure toutes les larmes de mon coeur en pédalant à travers la forêt pour me rendre au studio.

Why… why… why… mais pourquoi as-tu fait cela ?

Je t’aimais comme un fils, 28 ans le mois prochain, tu parles, comme un ami, un âme si belle, si généreuse.

Quand nous riions, pauvres de nous deux, tous seuls dans le studio déserté par les collègues.

Et que tu me parlais en dialecte du Jharkhand et que même je te répondais sans rien y comprendre, qu’importe !

Tu l’aimais ce lotus, dernière de mes créations, je te l’offre en t’avouant que je n’y avais vu jusqu’alors qu’une simple fleur.

Tu m’apportais aussi du riz biryani pour partager ton repas, et on mordait dans le poulet en piochant dans le riz avec les doigts, sans chichi, sur le coin de la table de travail.

Reviens H., on reprend le film à zéro, je te ferai des pains d’épices toutes les semaines si tu veux…

Et j’avais aussi apporté lundi matin plein de piments verts du jardin à te partager.

A propos de jardin, ce matin, de bonne heure, j’ai trouvé pour la première fois, posée sur le sol, une magnifique plume de paon

Mais où donc es-tu aller sombrer ce dimanche soir, après cette mémorable journée qui célébrait l’anniversaire de Sri Aurobindo ?

La pendaison ne laisse aucune chance à la vie.

Je t’attendais à mon second workshop de plantes, comme tu me l’avais demandé, parce que tu avais beaucoup à apprendre, me disais-tu…

Et nous avions feuilleté en ligne, ensemble, la semaine dernière, la magnifique galerie de tableaux que tu avais créés.

Avec de belles couleurs, tellement indiennes, et une profondeur qui ne trompe pas quant à l’âme de l’artiste que tu étais.

Tu en profitais pour me montrer tous les enfants auxquels tu avais fait la classe, à Delhi, même des tout-petits qui te donnaient toujours de leurs nouvelles.

Je revois soudain ces magnifiques et immenses ailes que tu avais façonnées en 3D, je suis sûre que tu es reparti avec.

Pas de sapin de Noël cette année, comme celui que tu avais confectionné pour le hall d’un grand hôtel, avec de longs joncs teints et ornés de brillants.

A moi qui demandais pourquoi vous vous pliez à la tradition occidentale, en riant, pas de sapin, pas de neige… des touristes, tu me répondais.

Une chose était sûre, c’est que tu ne ferais jamais métier, comme ta grand-mère, de tisser des paniers ou rempailler des chaises.

Le souvenir de ces brins qu’il fallait tendre si fort pour garnir les assises des fauteuils t’avaient laissé de bien mauvais souvenirs d’enfance.

Tu rigolais, une fois de plus, de mon désir de vouloir upcycler des tabourets de la même façon avec… des chambres à air !

Mais tu sais quoi, hier j’étais rayonnante, aujourd’hui je n’ai plus goût à rien.

Même le distributeur de billets m’a refoulée dans la matinée.

Juste après, je suis retournée dans le magasin dont je sortais pour offrir des bananes et du raisin à la grand-mère assise sur le sol du parking.

Les biscuits, c’est bien, comme me suggérait l’employée que je questionnais pour guider mon achat, mais sans dents…

Ensuite, j’ai failli rater la poste, en rentrant, demi-tour prudent sur la route parce que je n’étais vraiment pas dans mon état normal.

Et là, surprise, mes vieilles copines de la déchetterie m’ont interpelée, à l’autre bout du bâtiment, pour m’embrasser et me serrer dans leurs bras.

Quand je suis enfin arrivée au studio, ma collègue me dit qu’un grand bruit au dehors l’avait surprise.

Une des suspensions de plantes s’était littéralement explosée au sol.

N’arrivant pas à bosser ni l’une ni l’autre, après le départ de ma collègue, j’ai réparé les dégâts et m’apprêtais à fermer la porte lorsqu’un nouveau grand bruit me fit tourner la tête.

Toute la pile de magazines empilés sous le porche venait de s’effondrer.

Bien à vous,

Isabelle