« Les lettres de nos fiançailles »

29/06/2021 Bonjour à toutes et à tous,

Je lui avais pourtant promis.

Dans mon cercueil tu mettras les lettres de nos fiançailles, m’avait-elle demandé.

Nous aurions dû les mettre de côté tout de suite, lorsque tu m’en parlais, mais je n’ai pas eu ce réflexe.

Peut-être est-ce la pudeur qui m’en a empêchée, pourtant je me rappelle bien de ce petit paquet ficelé bien conservé…

Et malgré les appels à mes frères et sœurs pour retrouver tes lettres le moment venu, la promesse n’a pas été tenue.

J’apprenais tout récemment que la femme de Théo Van Gogh, Johanna, avait gardé toute la correspondance entre les deux frères.

Un jour de 1914, elle réunira les cercueils des deux frères dans le même cimetière en faisant déplacer la dépouille de Théo auprès de celle de Vincent.

Un geste très beau, respectueux et affectueux.

Et je pensais à toi, qui, par le désir de certains de tes enfants et non le tien, a été enterrée seule, là-bas, dans ton Jura natal.

Peut-être aurions-nous pu vous réunir dans la mort, avec ton mari, enterré lui, de son côté dans le Lyonnais.

Mais est-ce vraiment important ?

Je me souviens de l’histoire de cette veuve, un peu désabusée lorsqu’elle découvrit le souhait de son défunt mari.

Il avait choisi de se faire enterrer auprès de… sa première femme !

Mais excusez-moi, maman et papa, même réunis, je n’en serais pas venue plus pour autant me recueillir sur vos tombes.

Je constate que petit à petit vous habitez moins mon quotidien, 3 et 5 ans après votre décès.

Des fois, des bribes du passé ressurgissent, des souvenirs bien précis et d’autres toujours aussi flous et sans réponses.

Qui étiez-vous, maman et papa ?

A jamais des inconnus pour moi qui n’ai pu qu’entrapercevoir la profondeur des pathologies qui entachaient vos vies.

Dimanche dernier, avec mes kids, nous avons fait une petite réunion de famille.

Ah ben oui, virtuelle, comme d’habitude.

N’empêche que même par vidéo interposée nos conversations sont toujours aussi animées !

L’une répond à l’un, couvrant les conversations d’un troisième et d’un quatrième, tandis que le cinquième a plongé du nez dans son clavier.

Enfin, plutôt remis le casque sur ses oreilles.

Pour le coup, y’en a un qui ne va pas tarder à sombrer, installé sur son lit, avec gros plan sur ses bras.

T’as les bras vachement poilus, lui souffle l’autre…

Bref, moi j’me marre au milieu de ce joyeux brouhaha.

Virtuelles ou pas, proches ou à 8000 km, nos retrouvailles sont toujours un bon moment d’échanges et de délires.

Et puis chacun.e s’en retourne à ses occupations, sieste par ci, musique par là, ménage et travaux ailleurs.

Vive la vie de famille version 2021 !

Bien à vous,

Isabelle