« La meilleure grand-mère »

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22/03/2023 Bonjour à toutes et à tous,

Aujourdhui encore, bien que mes kids soient adultes et ma mère décédée, je ne peux que me réjouir qu’ils aient eu la meilleure grand-mère.

Je m’en félicite d’autant plus de lui avoir laissé prendre sa place, parfois bien à l’encontre de mes principes, pour les souvenirs qu’ils en gardent.

N’ayant vécu personnellement cela avec aucune de mes grands-mères et en éprouvant du regret, j’étais bien disposée à lui donner sa place dans la vie de mes kids.

Ah la complicité qu’ils avaient ensemble, même si parfois je faisais des bonds à l’énoncé de ce qu’ils lui faisaient faire !

Curieusement, je constatais qu’elle vivait avec eux beaucoup de choses que je ne leur auraient pas permises.

D’autant plus qu’elle n’aurait jamais permis à ses propres enfants, donc moi-même, ce qu’elle autorisait à ses petits-enfants !

C’est là tout l’art d’être grand-mère, zone tampon, soupape, bouée de secours… appelez ça comme vous voulez, entre parents et enfants.

Parfois si je grognais intérieurement de les voir accoutrés de la sorte, carreaux assortis aux rayures ou en culottes de bain sur le trottoir, qu’importe, ils étaient heureux.

Heureux, justement, de sortir un peu du poids du conditionnement dont forcément tout parent formate sa ou ses progénitures.

Mange pas comme si, assieds-toi comme ça, ne mélange pas ceci avec cela, dis-le de cette façon, ne réponds pas de cette manière…

Les parents, quelle charge mentale énorme pour des petits en devenir, je ne suis même pas sûre qu’on l’accepterait venant d’un patron, arrivés à l’âge adulte.

Apprenant, en même temps qu’elle que les grands-mères ça peut tout, je fermais donc les yeux et les oreilles, baissant la garde et soufflant aussi de mon côté.

Des séjours chez leur grand-mère, malgré l’éloignement, ils en ont fait un nombre incalculable, et de leur côté comme du sien, ce n’était que joie à l’approche des retrouvailles.

L’aîné avait dix-huit mois quand il est parti seul faire le premier de ses séjours.

Imaginez qu’à l’époque, le téléphone portable n’existait pas et que les communications téléphoniques du fixe étaient facturées à la minute…

Bien avant leur venue, ils établissaient le programme des festivités ensemble, et croyez-moi, elle leur passait tout !

De la pièce tous les jours pour aller acheter sa glace, au repas pris au restaurant du village en tête à tête, j’en passe et des meilleures…

Elle leur offrait toutes choses que nous n’avions jamais reçues enfants, passant commande dans les catalogues, les emmenant faire les magasins en ville…

C’était sa vie de grand-mère, et je suis si heureuse qu’elle ait pu en profiter et en faire profiter mes kids.

La relation échappe aux parents, on saute une génération, et depuis la nuit des temps ainsi va la vie, car ils ont tellement à s’apporter et à s’apprendre.

Ce serait criminel que de vouloir s’insérer ou les priver de cette complicité, et pour ma part, j’avais une confiance absolue, sachant bien toute l’affection qu’elle leur portait.

Alors ça ne veut pas dire qu’ils n’aient pas fait quelques bêtises ensemble, rien de bien grave, je n’ai sans doute pas tout su, mais c’était leur truc, leur vie.

Je me suis rendue compte aussi, passé le choc de se retrouver grand-mère pour la première fois, que ça lui avait donné une sacrée patate.

Elle les emmenait en promenade tous les jours par tous les temps à travers vignes, parcs, bois, forêts, rivières, le goûter fourré dans le sac entre gourde et bottes.

Ils grimpaient aux arbres, pataugeaient dans les ruisseaux, ramassaient des trucs plein leurs poches, trouaient leurs pantalons, s’égratignaient les genoux…

Je pense qu’ils s’en souviennent.

Un jour, quand j’aurai pris le temps de classer toute mon intense correspondance avec ma mère, échangée durant une décennie, je vais en avoir des sourires émus.

Bien à vous,

Isabelle